Avant de travailler pour Stormz, j’ai participé à la promotion de l’innovation au sein du Renault Creative People Lab. Pour nous, l’important n’était pas vraiment de faire circuler les idées, mais bien de permettre aux porteurs de projets de naviguer aisément dans la complexité d’une structure tel que le Technocentre. Nous prenions ainsi souvent le rôle des marieuses en associant un porteur de projet avec LE décideur qui croira en lui, mais aussi avec LA personne qui pourra lui apprendre des compétences clefs pour son projet.
Le discours actuel pour ouvrir l’innovation et casser les silos se concentre souvent sur l’idée selon laquelle il faudrait fluidifier la circulation des idées notamment en permettant à chacun de s’exprimer. Le problème, c’est que ce ne sont pas les idées en tant que telles qui font avancer un projet, ce sont plutôt les personnes qui les portent. Il faut non seulement leur donner un mégaphone qui leur permettra de se faire entendre, mais également une carte qui leur indiquera où trouver les personnes prêtes à les écouter.
C’est là qu’intervient le networking pour créer des liens et former des réseaux entre les personnes d’une même sphère professionnelle et entre individus de cercles différents. Ce n’est donc pas un objectif idéaliste mais bien une visée purement opérationnelle. Les individus doivent apprendre à se connaître, savoir à quelle porte frapper et ainsi accéder aux personnes capable de les accompagner pour concrétiser leurs projets. Ces personnes pourront ainsi leur apporter les opportunités, les décisions; les savoirs et les compétences nécessaires à l’avancée du projet.
Il s’agit également d'augmenter la capacité de compréhension inter-personnelles de chaque équipe. Une étude du MIT a démontré que les groupes les plus créatifs étaient ceux qui faisaient le plus preuve d'empathie. Comme chaque membre comprenait très bien ce que disaient les autres, il était capable de s'approprier leurs idées sans les trahir. La capacité de chacun à maîtriser le jargon des autres et de comprendre leur point de vue est donc essentielle pour développer des projets communs. L’objectif étant de savoir précisément ce que l’autre peut lui apporter, dans quelles conditions et sous quelle forme.
Les limites du networking actuel
Alors concrètement, les événements de type networking répondent-ils à cet objectif ? Permettent-ils vraiment de mailler des réseaux et de renforcer les liens pour qu’ils soient plus opérationnels ? Observons les cocktails et autres speed-meetings, ces événements se résument souvent à une sorte de concours de pitchs, où chacun arrive avec son argumentaire bien en tête, impatient de le débiter au plus grand nombre. Chacun s’écoute parler mais personne ne discute vraiment. Cela vire parfois au ridicule où deux interlocuteurs récitent des morceaux de leur pitch sans écouter l’autre, comme deux droites parallèles qui ne se croisent jamais. Il n’y a, dans de telles situations, aucun but commun, aucune négociation, aucune écoute mutuelle. C’est très simple, si vous savez ce que vous allez dire avant même que l’autre n’ait fini de parler, c’est que vous n’êtes probablement pas en train de discuter.
Effectivement, vous aurez entendu sa présentation, récupéré sa carte, mais l'avez-vous écouté de manière active ? Qu’avez-vous appris qui n’était pas disponible sur son site officiel ? C'est aussi pour cela qu'il faut éviter de rester trop longtemps dans du "small talk". C'est utile pour initier la discussion, mais il faut essayer de dépasser ce stade qui n'est qu'un brise-glace pour aller plus en profondeur. Avez-vous compris la cause pour laquelle cette personne se bat ? Quel est son véritable objectif ? Sa vision du monde ?
Et même lors de sessions de “team-building”, qui n’est qu’un networking visant à renforcer ou réparer les liens au sein d’une même équipe, on reste souvent en surface. Celui-ci est souvent réduit à une distraction futile faisant office de soupape où chacun découvre que l’autre peut être sympathique pris hors du contexte parfois tendu du travail. Pourtant, l’objectif du "team-building", comme son nom l’indique, est de "bâtir une équipe" opérationnelle et efficace. Il ne s’agit pas de vous caresser dans le sens du poil, mais de huiler les rouages d’un collectif et de parfaire son fonctionnement. Bien sûr, cela va renforcer des liens prétendument “informels” (qui sont pourtant clairement formalisés) et avoir une vocation de détente, mais il faut veiller à ne pas être hypocrite. Sourire lors d’un match de foot avec son supérieur peut avoir une saveur amère lorsque celui-ci ne cesse de vous rabrouer pendant vos missions, et vice-versa. Les concours de pitch, bien trop préparés, ne révéleront que l’évident et ne laisseront que peu de place à la créativité et au décalage. Le Team-building cherchera à provoquer des émotions agréables qui ne seront souvent que des distractions pour ne pas traiter les problèmes de l’équipe. Pour le participant, cela ne lui permettra pas de savoir si telle personne possède telle qualité et telle compétence qui puisse lui être utile. Alors comment créer ou renforcer un lien à même de faire transiter savoirs, services et compétences ?
De l’art de créer des liens forts
La meilleure solution reste de simuler une collaboration express et de stimuler un débat aussi profond que puissant. Pour cela, quoi de mieux que de mettre à profit de bonnes vieilles dynamiques ludiques ? Contrairement à ce que la plupart des gens ont tendance à penser, il n’y a là aucune contradiction avec ce que j’ai dit plus haut : oui, le networking a une visée purement opérationnelle, pratico-pratique, opportune. Mais les moyens, les dynamiques et les environnements sur lesquels il doit se fonder sont, le plus souvent, de l’ordre du ludique, du jeu, de la décontraction.
Platon disait qu’on pouvait en apprendre plus sur quelqu'un en une heure de jeu qu'en une année à se croiser. C’est vrai, car le jeu révèle des traits de personnalités en simulant la vie réelle et des situations extrêmes. Il appartient toutefois à chacun d’être suffisamment attentif pour repérer ces signaux et les interpréter. De même qu’il faut avoir une écoute active lors d’une discussion, il est essentiel d’être attentif aux autres lors d’un défi collaboratif.
Pour mailler un réseau et donc construire une équipe, il faut proposer à chacun de se croiser et de se connaître à l’occasion d’activités de networking dignes de ce nom. En un mot, il faut brasser les participants pour leur permettre de poser les bases des liens futurs, et ce de manière aussi véloce que profonde.
Dans l’ancien temps, de nombreuses danses étaient conçues pour superviser la création des liens entre deux silos alors bien distincts : les jeunes hommes et les jeunes femmes. Ces danses, dont la célèbre polka, permettaient de passer en revue son entourage, en vérifiant le port de la personne, ses habits, ses mouvements, mais aussi, de manière très prosaïque, son hygiène. Le networking doit obéir à la même logique : une activité parfaitement chorégraphiée, qui va droit au but, teste de nombreuses combinaisons, permet de valider les premières impressions et finit par identifier les atomes crochus et les complémentarités de chacun.
De nombreuses entreprises doivent recomposer des équipes en permanence en fonction des nouveaux projets et donc créer de nouveaux liens pour répondre à de nouvelles missions. Cette réorganisation permanente peut être facilitée en augmentant le nombre de liens et leur qualité. En un mot, faire du networking de manière consciente. Chez Stormz, nous planchons sur le sujet. Et vous ?