C'est sur les bancs de l'université que j'ai découvert le père du concept de la "dynamique de groupe" et ses incroyables expériences. Kurt Lewin psychologue américain spécialisé dans la psychologie sociale et le comportementalisme a largement contribué au concept de psychologie de travail. Ses travaux et en particulier l'expérience "les ménagères de Lewin" qui date de 1943 nous avait bien amusés à l'époque ! Mais aujourd'hui dans mon métier actuel, cela met à la lumière du jour l'utilité et l'efficacité des ateliers collaboratifs.
Replongeons-nous aux Etats-Unis pendant la guerre de 1939-1945, les autorités tentent de convaincre les ménagères américaines de réserver les viandes de bœuf de première qualité aux soldats. Elles sont donc invitées à consommer et concocter des plats à base d'abats pour leurs familles. D'énormes campagnes de communication sont mises en place, mais sans succès.
On sollicite alors une équipe, incluant Lewin, afin de comprendre pourquoi « la mayonnaise » n’a pas pris chez les ménagères pour atteindre l'effet de sensibilisation escompté. Il vont donc proposer un format interactif intégrant la discussion pour comparer avec le simple statut de spectateur que l'on retrouve par exemple en conférence ou face à une campagne de communication.
Ils vont découvrir grâce à cette expérience un facteur de motivation clé, un ingrédient miracle pour l’appropriation : la discussion.
Déroulement de l'expérience
Un échantillon d’une centaine de personnes, représentatif d’une population de type « ménagère » a été scindé en deux groupes : un groupe dit « test » et un groupe « pilote ». Ces deux groupes sont eux-mêmes composés de 3 sous-groupes d’environ 17 personnes.
- Le groupe « test » assiste à une conférence (écoute passive) et un exposé sur la nécessité d’une alimentation équilibrée pour les soldats et la recettes possibles à base d’abats.
- Le groupe « pilote » participe à un groupe de travail encadré sur un format plus interactif. Les ménagères écoutent tout d’abord un bref exposé sur les facteurs diététiques et économiques de l’alimentation des soldats. Puis ont l’opportunité de discuter ensemble, d’exprimer leurs freins face à la préparation d’abats. Enfin on laisse place à la réflexion pour identifier des solutions pour surmonter ces freins.
Résultats
- Groupe test : 3% des ménagères ayant suivie la conférence sur un mode passif firent des abats dans la semaine suivante.
- Groupe pilote : 32% des ménagères ayant suivi le format interactif firent des abats dans la semaine suivante.
Théorisation
Les résultats sont directement liés aux formats respectifs proposés : écoute passive VS. discussion interactive.
On constate un lien significatif entre la discussion et l’implication. Elle réduit de façon notoire les aprioris (disparition des résistances aux changements) et a un impact sur la propension au changement.
La motivation issue d’une écoute passive est moins significative que l’implication issue d’une discussion interactive.
Le traitement des freins au cours de l’échange et la levée des doutes qu’il entraine aurait également un effet sur la prise de décision. Car la confrontation des points de vue semblent annihiler les contre-arguments et renforcer les croyances.
Bref, une communication interactive implique davantage l’individu qu’une communication passive.
Sacré Lewin, s'il avait su qu'il ferait la même expérience avec des tablettes en 2014...
Mes remerciements à mon professeur de psychologie sociale, Monsieur Schneider, pour ses cours incroyables !
Réf. Kurt Lewin, Frontiers in Group Dynamics, 1946