Une idée issue d'un brainstorming a-t-elle plus de valeur qu'une idée générée individuellement ? Un brainstorming permet-il seulement d'être créatif ? Ces questions entourent le brainstorming depuis sa création en 1948 par Alex Osborn sans toutefois l'empêcher de devenir la méthode de créativité la plus utilisée dans le monde. Le brainstorming devient même le symbole de l'inefficacité en entreprise et il est souvent considéré comme une méthode simpliste générant des idées inexploitables et peu créatrives. En devenant populaire, le brainstorming a perdu sa rigueur initiale, si bien que sa critique porte souvent davantage sur son usage simpliste en entreprise plutôt que sur la méthode en elle-même.
Le brainstorming est trop souvent utilisé comme une méthodologie suffisante à elle-même sans l'intégrer dans un réel processus d'innovation comme le Creative Problem Solving (CPS) détaillé par Osborn et Parnes. Gary Hamel décrit le brainstorming comme un moteur de voiture, sans courroie de transmission ni toutes les autres parts d'une voiture, il est, effectivement, inexploitable dans la plupart des cas. Certaines règles du brainstorming, comme la suspension du jugement, n'ont de sens que s'il est structuré en deux phases de divergence et de convergence. Suspendre son jugement durant la phase de divergence permet de protéger la spontanéité et la prise de risque, puis faire le travail de réflexion critique dans un second temps.
Le brainstorming, en raison de nombreux biais de groupe comme l'influence politique ou la dilution des responsabilités, ne produit pas d'idées si créatives que ça et aurait même un effet inhibant sur les personnes les plus timides. Dès 1958, un test empirique mené par Osborn lui-même prouve que les idées produites individuellement sont de meilleure qualité que les idées produites en groupes. Beaucoup pensent qu’ils avanceraient plus vite s’ils étaient seuls décisionnaires, sans attendre l’avis des autres ni respecter d’autres méthodes et rythmes de travail.
Pour lutter contre cette vision simpliste du brainstorming, il faut mettre l'accent sur sa dimension collaborative davantage que sur la question de la créativité. Avoir des idées n'est pas un objectif en soi, le but reste de collaborer pour développer des projets innovants. Sauf si vous êtes un génie, vous serez obligé de vous appuyer sur vos collègues pour améliorer vos idées, les faire avancer et finalement les implanter. Nous allons voir, étapes par étapes, comme le brainstorming peut devenir un moment important de collaboration et de créativité.
La divergence pour échanger des idées
Pour réaliser une bonne phase de divergence, il faut constituer son groupe avec soin et être capable de choisir des méthodes de facilitation adaptés à la situation. Les individus étant de plus en plus spécialisés, la résolution de problèmes est nécessairement interdisciplinaire pour garantir une approche globale et bénéficier d’une grande variété de méthodes de pensées et de connaissances. Ruth Noller, un praticien du CPS explique cela avec une simple équation :
C=fa(K,I,E) : La créativité est la combinaison des Connaissances (K), de l’Imagination (I) et de l’Evaluation (E).
En effet, les idées obéissent le plus souvent à l'adage de Lavoisier "Rien ne se crée, tout se transforme", elles ne sont pas complètement neuves et sont simplement de nouvelles combinaisons d'idées préexistantes. Plus les connaissances que vous aurez à disposition lors du brainstorming seront diversifiées, que ce soit en termes de domaine d'expertise ou d'origines sociales, plus vous aurez de chances d'arriver avec des combinaisons d'idées réellement originales. Le design thinking consacre une étape entière, l'inspiration ou l'empathie, à simplement réunir des connaissances pertinentes en lien avec le terrain. Une des clés principales permettant de réussir un brainstorming reste ainsi d'inviter des personnalités concernées directement par le sujet et capable d'apporter un éclairage nouveau pour prendre le sujet sous un autre angle.
Trouver de nouvelles combinaisons demande de faire dialoguer ces connaissances et de créer de nouveaux liens. Une étude de 2010 menée par Alex Pentland du MIT montre que la qualité d’une équipe repose davantage sur la capacité d'écoute et de prise en compte des intérêts de chacun que sur l'intelligence moyenne. Ce travail d'écoute et de partage est une étape essentielle pour arriver à trouver une idée qui intéresse tout le monde. Même si ce travail peut paraître laborieux, il est essentiel pour arriver à combiner les capacités de chacun pour mettre en place un projet commun et réalisable. Depuis 1948, le brainstorming a beaucoup évolué et de nombreuses variantes ce sont développées pour répondre aux différents biais de groupes pouvant apparaître.
L'été dernier, dans son article Brainstorming is dumb, FastCoDesign mettait en avant une de ces variantes basée sur l'écriture, le brainwriting, comme solution aux problèmes du brainstorming. Contrairement à la parole, l'écriture a trois avantages : l'anonymat, qui permet à chacun de s'exprimer librement sans mettre en jeu son égo, l'asynchronicité, qui permet à chacun de participer selon son rythme, et le fait de pouvoir garder une trace des idées et de les améliorer.
De même, cet article de la Harvard Business Review a évoqué des arguments similaires pour promouvoir le brainstorming numérique. Celui-ci permet également d'allonger la durée de vie d'un brainstorming et de l'intégrer dans un processus sur le long terme. En effet, nul besoin de ranger les post-its une fois la session de groupe terminée, celle-ci reste accessible et peut être reprise à tout moment, pour une autre session ou pour un travail individuel. Une récente étude a montré que les participants avaient un pic de créativité juste après une séance de brainstorming. Il peut donc être intéressant de demander aux participants d'ajouter quelques nouvelles idées juste après avoir rejoint leur bureau.
Cependant, l'écriture, comme le numérique, a ses propres biais, notamment le manque de spontanéité ou une relation plus distanciée. En fait, toutes les solutions ont leurs propres défauts et leurs propres qualités, et chacunes correspondent à un contexte particulier.
La meilleure solution est donc d'avoir une bonne capacité d'adaptation et d'être capable de choisir la méthode qui correspond à vos besoins. C'est ici que le rôle du facilitateur est primordial et ce sont ses compétences et ses connaissances qui permettront le bon déroulement de l'atelier. Au-delà de la question de la posture, le facilitateur est responsable de la bonne exécution de la méthodologie aussi bien au niveau théorique que matériel. C'est lui qui sera capable de mettre en place une atmosphère propice à la créativité et à la production d'idées pertinentes, originales et exploitables.
La convergence pour bâtir un projet concret
La phase de convergence nécessite du soin et de l'engagement pour sélectionner les idées les plus créatives et les structurer en projets concrets. Au-delà de la qualité intrinsèque d'une idée, l’élément le plus important pour sa réalisation reste l’engagement qu’elle génère. L’idée peut être brillante, si personne ne se décide à la porter, elle restera dans un carton. Contrairement à une idée individuelle, les idées issues d'un brainstorming bénéficient également des moyens conjugués des participants, ce qui augmente leurs chances d'être réalisées.
L’expérience des ménagères de Lewin en 1945 montre qu’une discussion interactive réduit la résistance aux changements et favorise bien plus l’engagement et la prise d’initiative qu’une simple communication passive. Une décision génère davantage d’engagement si elle est issue d’un processus perçu comme démocratique prenant en compte les idées de chacun.
La grande majorité des accidents de haute montagne se déroule après la phase d'ascension à cause de la sensation trompeuse d'avoir accompli l'objectif. Le même effet s'observe pour un brainstorming, accumuler une masse d'idées originales sans avoir en tête la phase de convergence augmente considérablement le risque de ne pas garder celles qui ont le plus de valeurs et de générer de la frustration. Il faut donc prévoir avant même le début du brainstorming les modalités de sélection des idées, que ce soit par un vote, une évaluation collaborative ou via un jury.
Comme le brainstorming, cette étape ne s'improvise et exige une certaine rigueur méthodologique pour s'assurer que la décision est fidèle à l'intention et aux motivations de votre groupe. C'est la responsabilité du facilitateur de découvrir et de pratiquer de nouvelles méthodes de prise de décisions. Par exemple, trier vos idées grâce à une COCD Box vous permettra réellement de choisir les idées les plus prometteuses aussi bien à court terme qu'à long terme. L'équipe ?What If! parle du greenhousing pour désigner la phase suivant le brainstorming où les participants vont réellement construire des idées opérationnelles en s'appuyant sur les idées produites. L'objectif est de protéger les idées les plus originales et de leur offrir un cadre où elles peuvent se structurer.
Comme disait Mark Payne, une idée est comme un croquis qui préfigure une possible œuvre d'art. Il faut se servir d'une ou de plusieurs idées pour créer un projet concret et élaboré. Un des premiers pas peut être simplement de concrétiser une idée en demandant de préciser qui s'en occupera, dans quels délais et avec quelles ressources.
Il existe de nombreuses méthodologies pour enrichir et structurer un projet, par exemple, le scamper va s'appuyer sur de nombreuses questions pour vous inviter à triturer votre projet, les chapeaux de Bono vous encouragent à considérer votre projet selon différents points de vue et différentes personnalités. Et ce ne sont que quelques exemples.
Vous pouvez également solliciter l'aide de canevas comme le business model canvas pour structurer votre projet ou la customer empathy map pour prendre en compte la perception de vos clients.
Collaborer autour d'un canevas permet de se mettre d'accord sur les différentes dimensions de votre projet. Celui-ci peut être mis régulièrement à jour en fonction des expériences vécues par votre équipe et l'avancement de votre projet. Si vous avez défini une ou plusieurs personas pour votre projet, il est important d'aller voir sur le terrain si vos perceptions sont bonnes afin de les améliorer en continu. Encore une fois, le canevas, comme le brainstorming, peut être vu comme un moyen de s'accorder sur une réalité commune basée sur les expériences individuelles.
Le brainstorming n’est qu'une partie du chemin
Chez Stormz, nous pensons de plus en plus que le brainstorming est davantage une méthode de collaboration que de créativité puisqu'il permet de générer de l'engagement, de la cohésion et d'initier des projets porteurs de changements. Aujourd'hui, nous percevons bien que Stormz, qui est principalement basé sur des dynamiques de brainstorming, est utilisé principalement dans le cadre de conduite de changement, de séances de collaboration et de formations. Le brainstorming dépasse ainsi largement la question de la créativité en entreprise.
De même, nous constatons qu'une session de créativité repose avant tout sur les épaules du facilitateur, c'est à lui que revient le choix des outils et l'animation de la séance. C'est pourquoi Stormz a vraiment été bâti pour être l'outil numérique du facilitateur, en lui donnant tous les outils nécessaires pour organiser des sessions collaboratives en petit et grand comité, en présentiel et à distance. Nous avons également mis à disposition de nombreux gabarits d'ateliers dans notre librairie, vous pouvez les découvrir, les tester et les pratiquer avec votre équipe ou vos clients.
Être facilitateur est un rôle fondamental qui ne doit pas être pris à la légère et qui doit s'accompagner de l'apprentissage de nouvelles méthodes et de nouveaux outils et par la pratique régulière de ceux-ci. Si vous souhaitez organiser des sessions de créativité réellement productives, il vous faut donc identifier les personnes capables de tenir ce rôle que ce soit en interne pour des sessions régulières ou en externe pour des besoins plus exceptionnels.
Dans les deux cas, nous vous conseillons de vous rapprocher de communautés de facilitateurs comme l'Association Internationale des Facilitateurs (IAF), Formapart ou encore Créa-France, vous pourrez ainsi rencontrer d'autres facilitateurs prêt à partager leurs expériences. Vous pouvez également consulter notre répertoire des facilitateurs pour collaborer avec des facilitateurs formés à Stormz et à de nombreuses méthodologies. Nous avons travaillé à de nombreuses reprises avec eux et nous savons combien ils peuvent vous apporter.